La réforme du cautionnement en quelques points clefs

Le cautionnement est un mécanisme juridique employé au profit du créancier, permettant de couvrir un éventuel défaut de paiement du débiteur.

Selon les termes du nouvel article 2288 du Code civil, issu de l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 entrée en vigueur le 1er janvier 2022, le cautionnement est défini comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ».

Cette ordonnance du 15 septembre 2021 est venue réformer le droit du cautionnement, cette réforme étant autant d’ordre formel que substantiel, le but annoncé étant de « réformer le droit du cautionnement, afin de rendre son régime plus lisible et d’en améliorer l’efficacité tout en assurant la protection de la caution personne physique » (voir le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, JO du 16 septembre 2021, n° 216).

Les dispositions relatives au cautionnement figurant dans le Code de la consommation ont été abrogées, tout comme d’autres dispositions prévoyant des régimes spéciaux (article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs). Le nouveau droit du cautionnement a été intégré au Code civil, étant toutefois précisé que certains articles concernant les cautions confrontées aux procédures collectives, articles modifiés par une seconde ordonnance du 15 septembre 2021 (n°2021-1193), sont maintenus assez logiquement dans le Code de commerce.

Tous les nouveaux contrats de cautionnement conclus à partir du 1er janvier 2022 sont soumis au nouveau régime du cautionnement, tandis que les contrats conclus avant cette date restent soumis au droit antérieur. S’agissant plus particulièrement des dispositions du Livre VI du Code de commerce modifiées par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n° 2021-1193, elles sont entrées en vigueur très rapidement, le 1er octobre 2021, étant précisé qu’elles ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de l’entrée en vigueur de ladite ordonnance.

En résumé, et sans entrer dans des développements exhaustifs, les principales modifications issues de la réforme du cautionnement sont les suivantes :

1. La caution n’a plus à reproduire une formule spécifique :

Il n’est plus nécessaire, pour la caution personne physique, de recopier une formule préconçue imposée par le législateur.

Désormais, le nouvel article 2297 du Code civil issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021 n°2021-1192 dispose qu’ « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.

Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur ou qu'il divise ses poursuites entre les cautions. A défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices […] ».

Il en résulte une relative souplesse de rédaction qui conduira peut-être à une diminution des contentieux relatifs à la formulation de la mention apposée par la caution. En réalité, ce texte entérine une position déjà bien souple adoptée ces dernières années par la Cour de cassation, interprétant de manière indulgente les exigences légales.

Il est aussi à noter que ce texte s’applique à tout cautionnement souscrit par une personne physique (avertie ou non avertie), et ce quel que soit le créancier garanti.

2. La signature dématérialisée :

L’article 1175 du Code civil, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2022, permet la souscription d’un contrat de cautionnement par voie électronique, afin de tenir compte des évolutions technologiques d’un monde de plus en plus digitalisé.

Avant cette réforme, les textes permettaient la souscription de contrats électroniques, mais écartaient cette possibilité pour les contrats de cautionnement.

Désormais, la signature du contrat de cautionnement par voie électronique est autorisée, en respectant toutefois les règles strictes régissant cette signature électronique (article 1174 du Code civil), et ce afin d’éviter tout risque de contestation de cette signature par la caution.

3. Le principe de proportionnalité du cautionnement :

Aux termes du nouvel article 2300 du Code civil, « si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date ».

La principale innovation concerne la sanction du non-respect du principe de proportionnalité, qui n’est plus la décharge totale, mais une réduction du cautionnement à hauteur du montant auquel la caution « pouvait s’engager à cette date ». La formule étant relativement vague, des divergences d’interprétation entre les juges du fond sont à craindre, ces derniers ayant un pouvoir souverain d’appréciation de cette notion.

La seconde modification importante consiste en la suppression de la possibilité, pour le créancier, de poursuivre la caution en cas de retour à meilleure fortune de celle-ci au moment où elle est appelée en paiement. Antérieurement à la réforme, même lorsque l’engagement de caution était disproportionné à l’origine, c’est-à-dire au moment de la souscription de l’engagement, le créancier avait une « deuxième chance » de poursuivre la caution, en démontrant que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, lui permet de faire face à son obligation. Cette alternative n’existe plus pour les nouveaux contrats souscrits à compter du 1er janvier 2022.

4. L’opposabilité des exceptions :

Aux termes du nouvel article 2298 du Code civil, « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article 2293. Toutefois la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire ».

Il s’agit d’une reconnaissance très claire du caractère accessoire du cautionnement qui avait été parfois mis à mal, ces dernières années, par la jurisprudence (voir par exemple : C. Cass. Ch. Mixte 8 juin 2007, n° 03-15.602 ; JurisData n° 2007-039197 : « la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal »).

5. Cautionnement et procédures collectives :

Aux termes des articles L.631-14 et L. 622-28 du Code de commerce, dans leurs nouvelles versions issues de l’ordonnance du 15 septembre 2021 n° 2021-1193, les coobligés et garants personnes physiques peuvent se prévaloir de l’arrêt du cours de intérêts, en redressement judiciaire autant qu’en sauvegarde.

Aux termes de l’article L. 631-14 du Code de commerce, dans sa nouvelle version, la caution peut désormais se prévaloir des dispositions du plan, s’il est adopté en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ce qui n’était prévu antérieurement que pour les plans de sauvegarde. Les garants personnes physiques peuvent se prévaloir de l’inopposabilité des créances non déclarées dans le cadre d’un redressement judiciaire. Cette inopposabilité sera applicable pendant l'exécution du plan et postérieurement s’il est exécuté correctement.

En cas de liquidation judiciaire, les créanciers retrouvent la plénitude de leurs prérogatives contre les tiers coobligés et garants.

6. La consécration légale du devoir de mise en garde :

L’article 2299 du Code civil issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021 dispose que « le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.

A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci ».

Le « devoir de mise en garde » est à l’origine une création jurisprudentielle. Ce devoir est à présent consacré par le nouvel article 2299 précité, qui en redéfinit toutefois les contours.

Le créancier professionnel a l’obligation de mettre en garde la caution, qu’elle soit avertie ou non avertie. Désormais, si la caution souhaite faire application de ce texte, les débats porteront sur l’inadaptation de la dette garantie aux capacités du débiteur principal, et non de la caution. L’inadaptation de l’engagement de caution aux facultés financières de cette même caution relèvera de la question de la proportionnalité (voir supra, article 2300 du Code civil).

La sanction d’un manquement au devoir de mise en garde est également modifiée. Le créancier sera déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. La caution devra invoquer la perte de chance de ne pas avoir contracté si elle avait été correctement informée par le créancier du risque pris lors de son engagement.

En conclusion, la portée effective de ces nouvelles règles, notamment en ce qu’elles sont censées simplifier le droit actuel, reste encore incertaine.

L’Etat créé ses règles que le citoyen se doit de respecter.

L’avocat les adapte et les interprète, parfois avec une ingéniosité insoupçonnée des législateurs.

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